vendredi 26 février 2010

Chinoiseries administratives – bis repetita non placent

La suite des aventures de Léo, alias 孟磊...
Émilie, fière maman de Léo et épouse vénérée de mézigues, prévoyait dès le début de rentrer en Chine début mars pour liquider notre patrimoine local avant de s’installer au pays des temples d’Angkor. Nous y sommes.
Chinoise, patriote et détentrice du passeport idoine, pas de souci pour elle pour pénétrer sur le territoire de la très glorieuse République Populaire de Chine. Pour ma part, ma qualité de représentant légal de ma petite agence de traduction me donne droit à un visa de séjour d’un an, donc pas de souci non plus. Reste le petit Léo qui, rappelons-nous en, a quitté la Chine Chinois et pénétré au Cambodge Français.
Armés de son passeport à peine usagé, nous nous présentons au service des visas de l’Ambassade de la République Populaire de Chine au Royaume du Cambodge à Phnom-Penh, pour lui faire établir le visa (visa familial d’un an à entrées multiples pour nous simplifier la vie, prévoyons-nous), pour nous entendre dire : « Ah bon, vous voulez un visa pour votre fils ! Mais dites-moi, où donc est le visa de sortie du jeune homme, puisque ledit jeune homme vient de Chine ! »
« Il n’a pas de visa de sortie sur son passeport français parce qu’il a quitté la Chine avec un laissez-passer que les autorités de votre magnifique pays ont eu l’infinie bonté de lui délivrer ! »
« Ah ! Mais ça change tout ! Vous le considérez peut-être comme Français, mais il est Chinois ! Pour devenir Français à part entière, il faut qu’il se rende à l’ambassade de Chine du pays qui veut bien le prendre sous l’aile de sa nationalité pour déclarer en bonne et due forme qu’il renonce (quelle honte !, soit dit entre nous) à la glorieuse nationalité chinoise, alors seulement il pourra humblement solliciter un visa pour pénétrer sur le sol de la mère-patrie qu’il a osé bafouer, et on verra si on le lui octroie, ce visa ! »
« Bon, ben, », proposons-nous tête basse, « on va rentrer en Chine avec son laissez-passer alors ? »
« Que nenni ! Ledit laissez-passer est à sens et à usage unique ! Il l’autorise à quitter la Chine, mais pas à y rentrer ! »
Résumons : pour les autorités chinoises, Léo est de nationalité chinoise, mais n’a pas le droit de rentrer dans son pays. Logique ! Il est porteur d’un passeport français, il est donc reconnu comme français par le Cambodge, la France, et le reste du monde, mais pas par les autorités chinoises, puisque la Chine ne reconnaît pas la double nationalité et qu’il est chinois ! Logique !
Nous devrons donc, si nous voulons que Léo rentre en Chine voir ses grands-parents maternels ou vivre avec moi qui dois rentrer en Chine pour exploiter la société de droit chinois que j’y ai créée, que nous rentrions en France pour lui faire déclarer qu’il abandonne la nationalité chinoise et solliciter pour lui un passeport.
Je soupçonne que l'ambassade de Chine en France n’acceptera pas que je fasse seul cette déclaration, il faudra donc qu’Émilie (furieuse contre le Pouêt-Cot-Cot en l’occurence) vienne avec moi. Il faudra donc demander pour elle un visa pour la France...
Je vous raconterai la suite de nos aventures sino-administratives lorsqu’elle se dérouleront.
En attendant, mon fils de deux ans et demi et moi-même allons passer quelque temps en tête-à-tête à Phnom Penh, et je retournerai en Chine gérer mon entreprise quand Émilie reviendra au Cambodge, où elle passera à son tour un peu de temps en tête-à-tête avec le garnement....
Léo sur le terre-plein central d'Angkor Vat

lundi 22 février 2010

La femme idéale

J’apprends aujourd’hui que Jin Yong, pour construire le personnage de Xiaolongnü dans son Shendiao Xialü, a eu pour égérie Xia Meng ! Vous imaginez sans peine le choc émotionnel que cela a pu provoquer chez moi !
Enfin, vous n’imaginez peut-être pas, finalement, si vous n’êtes pas comme moi un inconditionnel de Jin Yong. Alors plantons un peu le décor...
Jin Yong (金庸) est LE romancier chinois contemporain le plus lu, le plus connu et le plus incontesté aujourd'hui en Chine, que ce soit en Chine continentale, à Hong-Kong ou à Taiwan.
Si vous avez suivi les cours de littérature chinoise moderne aux Langues’O ou dans quelque autre vénérable institution du genre, vous serez peut-être étonné de cette affirmation péremptoire, car le nom de cet auteur n’aura probablement jamais été mentionné pendant les longues séances pendant lesquelles vous vous serez échiné à comprendre le sens caché de l’oeuvre d’un Lu Xun, d’un Mao Dun, ou d’une Bing Xin. Ou peut-être me demanderez-vous pourquoi calors ’est Gao Xingjian qui s’est vu décerner le Nobel de littérature en 2000, et non Jin Yong ?
Les raisons m’en semblent simplissimes. Tout d’abord, Jin Yong est auteur de romans populaires, et il est bien connu que la littérature populaire, qu’elle soit écrite à Pékin, à Paris, à New-York ou à Londres, est trop populaire, justement, pour être reconnue à la vraie valeur qui est parfois la sienne par les critiques de tout poil. Jin Yong non seulement écrit des romans populaires, mais en plus il s’agit de romans de kungfu (de cape et d’épée à la sauce de soja, si vous préférez), genre des plus douteux, et qui compte effectivement un nombre impressionnant d’opercules dont les pages ne seraient même pas dignes de me dépanner un jour de pénurie de papier hygiénique. De surcroît, Jin Yong est hongkongais, et il est bien connu, n’est-ce pas, que tout ce qui vient de Hong-Kong ne peut être que superficiel et sans véritable valeur. Il n’empêche qu’il ne vient à l’idée de personne de critiquer Jin Yong sur la qualité de sa langue ou sur les qualités littéraires de son oeuvre, et que de nombreux exégètes en herbe usent leurs stylos à commentaire l’oeuvre. D’autant plus que Monsieur Louis Cha (查良镛) (Jin Yong n’est que son nom de plume martiale) est par ailleurs un intellectiuel chinois des plus sérieux. Cependant, si vous en avez l’occasion, faites l’expérience : parlez de Jin Yong à votre prof de littérature chinoise moderne. S’il est français, il y a de fortes chances qu’il vous regarde avec de gros yeux en vous demandant de qui il s’agit. S’il est chinois, il se contentera probablement de vous adresser en guise de réponse une moue de dégoût.
Qu’importe ! Je reste campé sur mes positions, et je soutiens mordicus que Jin Yong est l’un des plus grands écrivains chinois contemporains.
Parmi la petite quinzaine de romans de cape et d’épée de cet auteur, mes préférés sont, dans le désordre : Ludingji (鹿鼎记), Xiaoao jianghu (笑傲江湖), Tianlong babu (天龙八部) et celui qui est le prétexte à ce billet : Shendiao xialü (神雕侠侣).
Je ne vous raconterai rien de l’intrigue, na ! Vous n’avez qu’à apprendre le chinois et à lire le roman dans le texte. En revanche, je vous parlerai de l’héroïne du roman Xiaolongnü 小龙女, littéralement « la petite fille dragon », alias Long guniang 龙姑娘, « Mademoiselle Long » (car Long 龙 est en effet son patronyme).
Quand, dans le roman, on fait sa connaissance alors qu’elle a une quinzaine d’années. Elle recueille presque par hasard et un peu sous la contrainte, Yang Guo 杨过, le personnage principal du roman, qui deviendra son compagnon et qui, eventually dirait-on de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique, atteindra un niveau de maîtrise des arts de combat dépassant même celui de Guo Jing 郭靖, le personnage principal du Shediao yingxiongzhuan (射雕英雄传), que j’ajoute au passage à la liste de mes romans jiniens préférés. Xiaolongnü est douce, d’une beauté irréelle, toujours vêtue de blanc, experte en arts martiaux, amoureuse fidèle et ingénieuse. Elle soutient son Yang Guo 杨过 dans l’épreuve, l’initie aux techniques martiales les plus obscures. Après une séparation de plus de dix ans, les héros se retrouvent pour ne plus se quitter. On apprend seulement plus tard, au hasard d’une scène du Tianlong babu, qu’ils auront une fille, qui aura hérité du talent de son père et de la beauté de sa mère.
Les inconditionnels du roman, comme moi, vouent un culte irraisonné à cette jeune femme. Quand on me demande qui est mon idéal féminin, c’est sans réfléchir et sans hésiter que je lance le nom de Xiaolongnü. À chaque fois qu’est annoncé le tournage d’une version cinématographique du roman (il y en a déjà eu 14 entre 1960 et 2004, excusez du peu !), tous les fans s’interrogent sur le nom de l’actrice à laquelle le rôle sera confié, et tous les fans sont inconditionnellement déçus, car aucun des avatars n’a jamais été et ne sera jamais à la hauteur de l’image mentale que chacun d’entre nous s’est formée de son héroïne à chaque nouvelle lecture du roman (que je suis en train de lire pour la quatrième fois en ce moment).
Vous comprenez mieux mon émotion, maintenant ?
Mais assez de suspens, voici la photo de Mademoiselle Xia Meng 夏梦, égérie hongkongaise de Jin Yong. Comme il fallait s’y attendre, Mademoiselle Xia fait bien pâle figure par rapport à ma Xiaolongnü rêvée. Mais comme sa famille est originaire de Suzhou, disons que je lui pardonne à demi. (J'ai piqué la photo ici. Vous verrez sur ce lien d'autres photos de l'actrice, dont une en compagnie de Jin Yong.)

samedi 20 février 2010

Mots d’enfants : les papayes et les « mamayes »

En Chine, le petit Léo entend parler chinois toute la journée, et c’est bien sûr dans cette langue qu’il communique avec sa maman et, à mon grand désespoir, avec moi aussi.
Pour le « forcer » un peu à apprendre le français, j’entretiens sur mon ordinateur une collection de photos : animaux divers, voitures, trains, avions, légumes et fruits. Le jeu auquel nous jouons presque tous les jours consiste à retrouver le nom de ce que l’on voit sur la photo.
Quand il y a un couple de chiens, par exemple, il y a bien entendu le papa chien et la maman chien.
C’est probablement la raison pour laquelle le petit monstre, quand il voit, dans la série « fruits », la photo montrant deux papayes, soutient mordicus qu’il s’agit d’une papaye et d’une « mamaye » ! « Mdr », comme dirait Benjamine, la grande soeur.
À vous de juger :

mardi 2 février 2010

On peut être moine et avoir l’esprit joueur...

Les moines sont omniprésents au Cambodge, et vous aurez probablement eu l’occasion de voir de nombreuses photos de moines vêtus d’orange et abrités sous un parasol de la même couleur, marchant à la file indienne en tenant leur bol à aumônes sous leur robe...
Titillé par un « teuk, teuk » incessant à l’extérieur, je jette un coup d’oeil de la fenêtre du premier étage où se trouve notre petit deux pièces, pour découvrir quatre ou cinq jeunes moines de la pagode voisine (Wat Puthi Yaram វត្តពោធិយារាម) jouer à une sorte de jeu de volant dont j’ai oublié le nom (il s’agit de maintenir en l’air un volant en le faisant monter en l’air à coups de pieds).
C’est la couleur des sous-vêtements monastiques qui m’a amusée en premier... assortie à celle des robes et des parasols !
(Bien entendu, loin de moi l’idée de vouloir manquer de respect à ces jeunes moines.)