lundi 22 février 2010

La femme idéale

J’apprends aujourd’hui que Jin Yong, pour construire le personnage de Xiaolongnü dans son Shendiao Xialü, a eu pour égérie Xia Meng ! Vous imaginez sans peine le choc émotionnel que cela a pu provoquer chez moi !
Enfin, vous n’imaginez peut-être pas, finalement, si vous n’êtes pas comme moi un inconditionnel de Jin Yong. Alors plantons un peu le décor...
Jin Yong (金庸) est LE romancier chinois contemporain le plus lu, le plus connu et le plus incontesté aujourd'hui en Chine, que ce soit en Chine continentale, à Hong-Kong ou à Taiwan.
Si vous avez suivi les cours de littérature chinoise moderne aux Langues’O ou dans quelque autre vénérable institution du genre, vous serez peut-être étonné de cette affirmation péremptoire, car le nom de cet auteur n’aura probablement jamais été mentionné pendant les longues séances pendant lesquelles vous vous serez échiné à comprendre le sens caché de l’oeuvre d’un Lu Xun, d’un Mao Dun, ou d’une Bing Xin. Ou peut-être me demanderez-vous pourquoi calors ’est Gao Xingjian qui s’est vu décerner le Nobel de littérature en 2000, et non Jin Yong ?
Les raisons m’en semblent simplissimes. Tout d’abord, Jin Yong est auteur de romans populaires, et il est bien connu que la littérature populaire, qu’elle soit écrite à Pékin, à Paris, à New-York ou à Londres, est trop populaire, justement, pour être reconnue à la vraie valeur qui est parfois la sienne par les critiques de tout poil. Jin Yong non seulement écrit des romans populaires, mais en plus il s’agit de romans de kungfu (de cape et d’épée à la sauce de soja, si vous préférez), genre des plus douteux, et qui compte effectivement un nombre impressionnant d’opercules dont les pages ne seraient même pas dignes de me dépanner un jour de pénurie de papier hygiénique. De surcroît, Jin Yong est hongkongais, et il est bien connu, n’est-ce pas, que tout ce qui vient de Hong-Kong ne peut être que superficiel et sans véritable valeur. Il n’empêche qu’il ne vient à l’idée de personne de critiquer Jin Yong sur la qualité de sa langue ou sur les qualités littéraires de son oeuvre, et que de nombreux exégètes en herbe usent leurs stylos à commentaire l’oeuvre. D’autant plus que Monsieur Louis Cha (查良镛) (Jin Yong n’est que son nom de plume martiale) est par ailleurs un intellectiuel chinois des plus sérieux. Cependant, si vous en avez l’occasion, faites l’expérience : parlez de Jin Yong à votre prof de littérature chinoise moderne. S’il est français, il y a de fortes chances qu’il vous regarde avec de gros yeux en vous demandant de qui il s’agit. S’il est chinois, il se contentera probablement de vous adresser en guise de réponse une moue de dégoût.
Qu’importe ! Je reste campé sur mes positions, et je soutiens mordicus que Jin Yong est l’un des plus grands écrivains chinois contemporains.
Parmi la petite quinzaine de romans de cape et d’épée de cet auteur, mes préférés sont, dans le désordre : Ludingji (鹿鼎记), Xiaoao jianghu (笑傲江湖), Tianlong babu (天龙八部) et celui qui est le prétexte à ce billet : Shendiao xialü (神雕侠侣).
Je ne vous raconterai rien de l’intrigue, na ! Vous n’avez qu’à apprendre le chinois et à lire le roman dans le texte. En revanche, je vous parlerai de l’héroïne du roman Xiaolongnü 小龙女, littéralement « la petite fille dragon », alias Long guniang 龙姑娘, « Mademoiselle Long » (car Long 龙 est en effet son patronyme).
Quand, dans le roman, on fait sa connaissance alors qu’elle a une quinzaine d’années. Elle recueille presque par hasard et un peu sous la contrainte, Yang Guo 杨过, le personnage principal du roman, qui deviendra son compagnon et qui, eventually dirait-on de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique, atteindra un niveau de maîtrise des arts de combat dépassant même celui de Guo Jing 郭靖, le personnage principal du Shediao yingxiongzhuan (射雕英雄传), que j’ajoute au passage à la liste de mes romans jiniens préférés. Xiaolongnü est douce, d’une beauté irréelle, toujours vêtue de blanc, experte en arts martiaux, amoureuse fidèle et ingénieuse. Elle soutient son Yang Guo 杨过 dans l’épreuve, l’initie aux techniques martiales les plus obscures. Après une séparation de plus de dix ans, les héros se retrouvent pour ne plus se quitter. On apprend seulement plus tard, au hasard d’une scène du Tianlong babu, qu’ils auront une fille, qui aura hérité du talent de son père et de la beauté de sa mère.
Les inconditionnels du roman, comme moi, vouent un culte irraisonné à cette jeune femme. Quand on me demande qui est mon idéal féminin, c’est sans réfléchir et sans hésiter que je lance le nom de Xiaolongnü. À chaque fois qu’est annoncé le tournage d’une version cinématographique du roman (il y en a déjà eu 14 entre 1960 et 2004, excusez du peu !), tous les fans s’interrogent sur le nom de l’actrice à laquelle le rôle sera confié, et tous les fans sont inconditionnellement déçus, car aucun des avatars n’a jamais été et ne sera jamais à la hauteur de l’image mentale que chacun d’entre nous s’est formée de son héroïne à chaque nouvelle lecture du roman (que je suis en train de lire pour la quatrième fois en ce moment).
Vous comprenez mieux mon émotion, maintenant ?
Mais assez de suspens, voici la photo de Mademoiselle Xia Meng 夏梦, égérie hongkongaise de Jin Yong. Comme il fallait s’y attendre, Mademoiselle Xia fait bien pâle figure par rapport à ma Xiaolongnü rêvée. Mais comme sa famille est originaire de Suzhou, disons que je lui pardonne à demi. (J'ai piqué la photo ici. Vous verrez sur ce lien d'autres photos de l'actrice, dont une en compagnie de Jin Yong.)

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