dimanche 15 août 2010

Chinoiseries administratives : Volet 3

Pour les fans des aventures de Léo, alias 孟磊, voici la suite...
(Les deux premiers épisodes de la saga sont disponibles respectivement ici, et ici.)
Pour résumer, et pour les raisons évoquées précédemment sur ce blog, notre petit dernier Léo avait quitté la Chine muni d’un laissez-passer à aller simple et usage unique, et s’était honteusement vu refuser un visa chinois par les services consulaires de l’Ambassade de la République Populaire de Chine auprès du Royaume du Cambodge. La solution, nous avait-on dit, était d’aller tenter de solliciter un visa auprès de la représentation diplomatique de ladite République Populaire de Chine en France.
Nous voici donc à la mi-juin 2010 au service des visas de l’Ambassade de France à Phnom-Penh, pour solliciter un visa pour Emilie, fière citoyenne de la Grande Chine et munie d’un passeport de ce pays, et non pour Léo, puisque ce dernier est armé depuis sa plus tendre enfance d’un passeport de la glorieuse République Française. Malgré une attente assez longue et désagréable à la porte du service des visas, dans la rue, sous le soleil et dans la chaleur moîte du mois de juin au Cambodge, c’est sans difficulté qu’Emilie obtient son visa de trois ans à entrées multiples, apparemment dû à tout conjoint de ressortissant de l’espace Shengen. Et c’est donc sans difficulté que nous prenons début juillet l’avion à Phnom-Penh pour nous rendre à Paris, via Bangkok, pour un séjour de deux semaines au pays du steak tartare, du vin de Bordeaux et des fromages à pâte molle.
Aucune difficulté non plus à l’arrivée à Paris, où les contrôles à l’immigration sont une simple formalité. Je me disais que cela ne pouvait pas durer, et que l’obtention d’un visa pour Léo allait être une autre paire de manches, d’autant plus qu'un contrôle renforcé et des conditions draconiennes semblent depuis peu être imposés aux demandeurs gaullois de visas chinois (voir ici).
Il semblerait en effet, d’après les informations glanées sur le web, confirmées plus tard par un placard apposé sur la devanture du service des visas de la République Populaire de Chine à Paris, qu'il devienne aussi difficile pour un descendant de Napoléon d’obtenir un visa pour le pays de Mao qu’inversement.
C’est donc avec une appréhension certaine que notre petite famille se rend aux Champs Elysées, pour aller déposer, les mains tremblantes, une demande auprès du service des visas de l’ambassade de Chine en France, situé désormais rue de Washington.
J’avais en mon fort intérieur préparé le discours le plus virulent, les arguments les plus idoines, et même, en dernier recours, les insultes chinoises les mieux choisies, pour appuyer la demande de visa de mon rejeton au cas où l’on nous ferait des difficultés.
Après avoir longuement patienté (les demandeurs de visa chinois sont légion et l’attente dans l’antichambre de la salle où sont alignés les guichets délivreurs du sésame est longue), nous voici donc devant la préposée cachée derrière son hygiaphone. Je laisse le soin à Emilie d’exposer la situation de son unique enfant, dans la langue maternelle de la préposée susmentionnée. Nous nous étions munis de tous les documents qui nous jugions utiles, mais n’avions ni billet d’avion aller-retour, ni certificat d’hébergement, ni attestation d’assurance internationale, ni certificat de travail ou attestation de revenus. Bref, aucune des pièces qui, selon les dernières instructions du Ministère chinois des Affaires étrangères, devaient être présentées pour tout Français à l’appui d’une demande de visa pour la Chine.
Autant vous dire que j’étais inquiet, et plutôt sceptique quant au résultat de notre sollicitation.
A ma grande surprise, la préposée semble se contenter du certificat de naissance du garnement et du livret de mariage sur lequel ma belle et douce Emilie et moi-même sommes en photo, en plus des passeports de l’intéressé et de sa génitrice. Prudent, je demande même à la préposée s’il est utile que je lui donne une copie de mon visa de résident (auquel j’ai droit puisque je suis le principal actionnaire et représentant légal d’une société de droit chnois, même si ladite société est minuscule). Pas la peine, me dit-elle.
L’absence de sourire sur son visage et son ton un peu sec me déplaisent, mais finalement, pas plus que le manque de sourire et le ton un peu sec dont me gratifierait n’importe quel agent de l’Etat français. Il me semble pas que ces manifestations doivent être interprétées comme étant des signes de mauvais augure.
Je garde donc pour moi mon discours, mes arguments et mes insultes, en me disant qu’ils pourraient me servir cinq jours plus tard, délai prévu pour l’obtention du visa, pour le cas où nous nous verrions opposer une fin de non recevoir.
C'est donc encore inquiet (un peu moins, cependant, je l’avoue) que je me présente à nouveau, escorté d'Emilie et de Léo, rue de Washington. Mes craintes étaient bien vaines : après paiement (obligatoirement par carte de crédit, qu’on se le dise) des frais du visa, nous voyons avec soulagement sur le passeport presque vierge du garçonnet figure le joli autocollant qui permettra au jeune homme de séjourner dans son pays natal pendant le mois que sa maman prévoit de passer auprès des siens !
C’est donc passé comme une lettre à la poste. Je m’en réjouis, et du coup mon ressentiment auprès des autorités administratives de l’Empire du Milieu s’apaise un peu.
Peut-être sera-t-il ravivé lorsque je voudrai demander pour le dernier de mes héritiers un titre officiel de séjour ? Ce sera certainement le sujet du quatrième volet de la saga...