samedi 12 juin 2010

Le bonheur tient à peu de choses

Lors de mon dernier passage à La Marmite, j’exposai au patron des lieux, avec la plus grande amertume, les difficultés que j’avais à me procurer certains ingrédients indispensables à quelques plats français dont je régale ma douce moitié quand nous nous lassons un peu de la cuisine asiatique. En effet, malgré l’extrême diversité de la gastronomie cambodgienne en matière d’herbes et d’ingrédients divers, le laurier est absent des étals des marchés les mieux fournis, le thym est quant à lui rare, et le vinaigre balsamique fait cruellement défaut. Mes recherches incessantes ne m’avaient pas non plus permis de découvrir le fournisseur salvateur proposant des pignons de pin, indispensables à ma salade aux foies de volaille assaisonnée de ma vinaigrette secrète aux deux moutardes. A mon grand étonnement, il m’avait même été impossible de trouver du curcuma en poudre, entrant dans la composition du riz sauté à la hainanaise et dans celle d’une recette de cuisses de poulet sautées au curcuma proposée dans son blog par un cuisinier cambodgien et qui m’avait mis à la bouche.
Heureusement que l’épaule d’agneau agréablement accompagnée de flageolets était là pour faire passer le vide désagréable qui hante la cavité buccale de tout gourmand quand il lui manque ces petits riens qui transforment le manchon de poulet le plus banal en un souvenir gastronomique impérissable.
« D’où viennent-ils d’ailleurs, ces flageolets, s’il m’est permis de poser la question ? », demandai-je à l’aubergiste, en précisant, à titre de justification : « Les flageolets accompagnent magnifiquement les côtes de porc dans l’échine, salées de préférence avec du fleur de sel de Guérande, que je fais lentement revenir à la poêle dans un peu de matière grasse, les flageolets étant ensuite rapidement mis à chauffer dans la poêle où ont cuit les côtelettes... »
Malgré une hésitation visible, n’ayant pas le coeur à m’asséner un coup de plus, le tenancier lâcha du bout des lèvres le nom de sa source : « Thai Huot !
- Comment ? (son long séjour au Cambodge ne lui a pas encore permis d’atteindre la perfection en matière d’intonations asiatiques)
- Thai ... Huot, répéta-t-il en détachant bien les syllabes et en articulant.
- C’est le supermarché chinois qui se trouve sur le boulevard Monivong, à peu près la hauteur du marché central ?
- Oui, oui, c’est ça ! » s’empressa de préciser son épouse cambodgienne se mêlant opportunément à la conversation
Et dire que je suis passé cent fois devant ce supermarché dont le nom m’évoquait plus un établissement chinois dans lequel je prévoyais vaguement de faire une visite un jour où je serais en manque d’ingrédients pour confectionner tel ou tel plat chinois.
- « D’ailleurs », précisa l’aubergiste, « vous y trouverez aussi du vinaigre balsamique... et peut-être même des pignons de pin ».
Ces informations précieuses ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd, et, dès le surlendemain, sur le chemin du retour d’une visite administrative à l’ambassade de France à Phnom-Penh, Emilie et moi-même fîmes une halte dans cet établissement.
Vinaigre balsamique, pignons de pin, feuilles de laurier, curcuma en poudre... tout y était, de même que jambon de bayonne, fromages, vins, terrines, pain frais... Le bonheur, en somme !
...
Mon banquier a dû bondir sur sa chaise quand il a vu arriver le relevé de carte de crédit émanant de ce commerce, dont il m’a été confirmé a posteriori qu’il était le lieu d’approvisionnement priviligié des Français gourmands exilés dans la capitale du petit royaume du Cambodge.
Thai Huot : 103-105, bd Monivong (près de la gare) / Tél. 023 724 623 - 023 884 622

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