samedi 31 janvier 2009

Nouvel an chinois 2009 au Cambodge : Jour 1, épisode 7 – Tuol Sleng, Phnom-Penh

J’ai un peu hésité avant d’écrire cet article-ci. En effet, je ne suis pas de taille à traiter un sujet comme ça, tout ce que je pourrai dire au sujet de Tuol Sleng ne sera pas à la mesure de ce que je ressens lorsque je visite ce lieu, et pourra sembler futile comparativement au lieu lui-même, ou bien léger par rapport, par exemple, au film S-21, la machine de mort khmère rouge de Rithy Panh (voir une présentation de ce film ici).
Ce lieu, je l’ai visité à chaque fois que je suis venu à Phnom-Penh.
Je l’ai vu pour la première fois en 1992, à l’occasion de mon premier voyage au Cambodge, mais c’est ma deuxième visite, en février 2008, qui m’a le plus choqué. Peut-être est-ce parce que j’étais beaucoup moins jeune, ou peut-être encore est-ce parce que j’avais vu depuis le film de Rithy Panh, et que je peux mettre un visage sur certaines des personnes qui ont vécu ici ?
En fait, de ma première visite, je me rappelle surtout de cette carte du Cambodge dressée avec des ossements et des crânes humains. Cette carte n’est plus sur place, mais on peut encore en voir une photo. Cette représentation macabre du Cambodge m’avait déplu, car je croyais que c’était par trop « graphic », comme disent les Américains, trop « exhibitionniste », serais-je tenté de dire, et cela me semblait en outre marquer un manque de respect par rapport aux restes des personnes à qui ces ossements appartenaient, qui ont été torturées et tuées ici.
Tuol Sleng était donc le plus important centre d’interrogation des Khmers Rouges entre avril 1975 et janvier 1979. Quelque 17 000 personnes y ont été emprisonnées et torturées. Certaines sont mortes ici, la plupart ont été conduites dans la banlieue de Phnom-Penh, à Choeung Ek, pour y être assommées à coups de gourdin, puis égorgées, avant d’être jetées dans des fosses communes.
Il s’agit d'un ancien lycée, qui a été, dès la prise de contrôle de Phnom-Penh par les Vietnamiens début 1979, transformé en musée, pour témoigner des atrocités commises par la clique de Pol Pot.
Lorsque les soldats vietnamiens sont entrés dans Tuol Sleng, il y ont trouvé quatorze cadavres de prisonniers, que les gardiens n’avaient pas eu le temps de faire disparaître. Ces cadavres sont enterrés dans la cour de l’ancien lycée.













Tombes des prisonniers trouvés sur place à la libération de Phnom-Penh par les troupes vietnamiennes en janvier 1979.

Les salles du rez-de-chaussée du bâtiment A (le bâtiment le plus à gauche, lorsque l’on rentre) sont « ornées » de photos prises par les Vietnamiens à leur arrivée. Il s’agit des photos des prisonniers morts sous la torture, tels qu’ils ont été trouvés.













Photo ornant l'une des pièces du rez-de-chaussée du bâtiment A.

Mais ce qui me semble à moi le plus impressionnant, c’est cet alignement froid, sans vraiment de commentaire, des photos d’archive des prisonniers : homme, femmes, enfants, bébés... Les photos ont été prises au moment de l’incarcération, et on ne voit pas de traces de coups, ni de torture, mais on sait que toutes les personnes dont les photos s’alignent ici sont mortes (seuls quelques prisonniers, sept exactement, sont sortis vivants de cet enfer).






























Les objets exposés, vêtements de prisonniers, caisses de munition vides qui servaient aux prisonniers à se soulager, instruments de torture divers, notices biographiques de certains gardes ayant oeuvré ici, viennent en complément.Mais la seule visite du lieu ne permet pas d’appréhender l’horreur, de comprendre ce qui s’est passé ici. Le visionnage (préalable, de préférence) du film de Rithy Panh me semble constituer un complément indispensable à cette visite.

1 commentaire:

  1. Je suis d'accord, ce sont ces photos d'identité (et surtout leur accumulation froide et systématique) qui sont les plus terribles à regarder.

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